Paradisum étudie le mythe de la renaissance après l’immobilité silencieuse d’un monde détruit. Dans ce monde, le corps seul permet de communiquer, le mouvement est la seule langue commune. Certaines créatures de l’existence idyllique se forment à partir du « matériau de vie » qui les entoure. Ce « matériau de vie » oscille, et grâce à sa force naturelle change constamment de forme et tourbillonne. C’est à travers les scènes de purification, de naissance, d’éveil et de rite que ces créatures atteignent l’Âme du monde, l’« anima mundi ».

Dans la mise en scène et chorégraphie de Bence Vági, ce spectacle unit les genres de la danse contemporaine et de l’art du cirque. En explorant les nouveaux modes d’expression de la « cirque-danse », il cherche le langage sublime des mouvements qui exprimerait les angoisses de l’Humanité.

Dans le contexte des productions de Recirquel : My Land (2018) est fondé sur la force du pays natal. Le spectacle suivant, Solus Amor (2020) parle de l’amour qui surmonte temps et espace. IMA (2022) quant à lui, évoque la force créatrice du silence. Paradisum, la nouvelle production de la compagnie, présente un monde dominé par la nature où, à partir du « matériau de vie » organique de ce monde, une nouvelle créature se forme. Elle n’a pas encore de mémoire, de souffrances et de croyances, ses gestes sont instinctifs. Elle découvre l’expérience d’une communauté : elle y crée un équilibre harmonieux par son amour pur et sa confiance.

Se fondant sur les spécialités de l’art du cirque, en particulier, sur des numéros aériens et d’acrobatie, la chorégraphie se nourrit de la danse contemporaine. Ce spectacle développe encore plus le genre de la « cirque-danse » qu’on peut bien connaître des autres productions de la compagnie Recirquel. Pour créer ce spectacle, Bence Vági a fait appel à des artistes de nombreux domaines différents, avec qui, il a travaillé pendant plusieurs mois pour aboutir au langage particulier de Paradisum. Dans ce travail créatif, des performeurs connus des productions précédentes ont joué un rôle important. Tels étaient Zita Horváth, Renátó Illés et Gábor Zsíros, les assistants chorégraphes du spectacle, ainsi que Kristóf Várnagy designer, accompagné de Nándor Holp et Aliz Schlecht.

L’aspect visuel, spectaculaire de la représentation est au centre de la conception dramatique et visuelle. À l’égal des corps et des gestes, il contribue à créer l’atmosphère ancien et aérien de la renaissance. À la manière de la mer bruissant, le « matériau de vie » oscille en parallèle avec les artistes et ensuite couvre les êtres humains purs à la manière d’une feuille, ou encore traverse la scène en nageant à la manière d’une raie, ou chuchote aux oreilles des personnages, comme une force transcendantale. Emese Kasza a également participé au design du spectacle dont costumes et décors font partie intégrante. Pour transformer le décor en « matériau de vie », le design des lumières, conçu par Attila Lenzsér, comme d’habitude, a joué un rôle primordial. Tamás Vladár était à la fois le technicien en chef du spectacle et le spécialiste de la technique du vol.

Les conflits du mythe de l’homme renaissant se formulent également dans la musique qui accompagne le spectacle. Comme pour les spectacles précédents, Bence Vági a choisi Edina Szirtes qui devait créer le milieu musical très divers dans lequel s’inscrit le spectacle : à partir d’un chaos mythique, un bruit à la fois destructeur et constructeur se forme, pendant que, à la manière de pulsations de l’inconscient, des prières de cultures disparues bruissent, par la mémoire humaine. C’est par le travail de Gábor Terjék, designer sonore que la musique est devenue partie intégrante, vivante de la production.

Paradisum est d’une part l’espoir pur de la renaissance, d’autre part la prévision sinistre de cette renaissance, préoccupée de l’avenir. L’être humain qui n’a jamais péché peut-il conserver la pureté de son âme et de son esprit ? Retrouvera-t-il le bonheur dans l’assurance des rites de la vie en communauté ?